Stade de foot abandonné = spot pour la voiture. Pt. 2.

"Le football professionnel fait tout son possible pour castrer cette énergie de bonheur, mais elle survit en dépit de tout. Et c'est peut-être pour cela que le football sera toujours étonnant.


Comme dit mon ami Angel Ruocco, c'est ce qu'il a de meilleur : son opiniâtre capacité de créer la surprise. Les technocrates ont beau le programmer jusque dans ses moindres détails, les puissants ont beau le manipuler, le football veut toujours être l'art de l'imprévu.


L'impossible saut là où on l'attend le moins, le nain donne une bonne leçon au géant et un Noir maigrelet et bancal rend fou l'athlète sculpté en Grèce.


Un vide stupéfiant : l'histoire officielle ignore le football. Les textes de l'histoire contemporaine ne le mentionnent pas, même en passant, dans des pays où il a été et est toujours un signe primordial d'identité collective.


Je joue donc je suis : la façon de jouer est une façon d'être, qui révèle le profil particulier de chaque communauté et affirme son droit à la différence.


Dis-moi comment tu joues et je te dirai qui tu es : il y a bien longtemps qu'on joue au football de différentes façons, qui sont les différentes expressions de la personnalité de chaque pays, et la sauvegarde de cette diversité me semble aujourd'hui plus nécessaire que jamais.


Nous vivons au temps de l'uniformisation obligatoire, dans le football et en toute chose. Jamais le monde n'a été aussi inégal dans les possibilités qu'il offre et aussi niveleur dans les coutumes qu'il impose : en ce monde fin de siècle, celui qui ne meurt pas de faim meurt d'ennui."


Eduardo Galeano, Le Football, ombre et lumière, Lux, 2014

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